Le chantier et la fabrique
Les collections du musée des Beaux-Arts de Dijon sont d’une richesse exceptionnelle que le public a tout loisir de (re)découvrir depuis la réouverture en 2019 d’un musée « métamorphosé » par une rénovation d’envergure. La refonte du parcours d’exposition permet de retracer les principaux jalons d’une histoire de la création artistique, en premier lieu européenne, à travers l’évocation de ses grandes divisions historiques, de ses foyers artistiques majeurs (à commencer par la Bourgogne depuis l’époque des Ducs), comme de ses disciplines et de ses techniques diverses.
L’achèvement que suggère une telle réalisation muséographique ne saurait pour autant signifier figer le fonds qui la compose. De 2010 à 2020, le musée des Beaux-Arts a ajouté 255 nouveaux numéros à son inventaire. La « fabrique des collections » s’est en effet poursuivie tout au long du chantier de la rénovation : de manière régulière, au cours de ces dix dernières années, les acquisitions d’œuvres sont venues enrichir, transformer, et ainsi « réactiver » les collections en les ouvrant à de nouvelles confrontations esthétiques comme à d’autres temporalités.
Le temps d’un bilan
Rendez-vous traditionnel du monde muséal, les expositions sur le thème des nouvelles acquisitions ont pour vocation première de faire partager au public les fruits d’une politique d’enrichissement. Déployée dans les salles temporaires avec des échos dans le parcours permanent, « La Fabrique des collections » présente une sélection de près de 110 œuvres dont une part n’a été jusqu’à aujourd’hui que peu ou pas du tout exposée en raison, essentiellement, de la fragilité de certaines techniques. Un tel panorama des acquisitions rend hommage à cette chaîne d’acteurs passionnés sans laquelle de nombreuses œuvres n’auraient pu intégrer les collections muséales. Amis des musées de Dijon et donateurs, collectionneurs, galeristes et artistes contemporains demeurent les alliés irremplaçables d’une politique volontariste de la Ville de Dijon menée avec le soutien de l’État.
Faire vivre la collection
« La Fabrique des collections » se propose d’interroger la démarche d’acquisition muséale. Loin de se réduire à la seule prospection du chef-d’œuvre incontournable, les développements successifs du fonds muséal procèdent souvent de la mise en relation d’œuvres singulières et de la collection constituée. Lors d’un achat ou d’une proposition de don, toute œuvre candidate à l’acquisition est évaluée non seulement à l’aune de son intérêt intrinsèque – selon la grille des savoirs d’une histoire de l’art inscrite dans son temps, mais aussi des significations qu’elle est à même de faire surgir aujourd’hui et demain en prenant place au musée.
Au fil des nouvelles entrées, tandis que ses contours se redessinent, la collection dijonnaise se fait mouvante, rétive à toute idée de complétude. « Faire collection » revient ici à entremêler différentes temporalités : loin d’être immobilisée dans le temps de sa création, l’œuvre d’hier est alors confrontée au présent de la collection, et de la perception de celle-ci, pour déjà projeter le regard vers les enrichissements futurs.
L’esprit d’une collection
« La Fabrique » s’attache à cette confrontation, à ce moment essentiel de l’entrée dans la collection, tout en illustrant les dynamiques d’accroissement du musée sur le temps long. Historiquement, celles-ci ont été dominées par l’encyclopédisme des Lumières, qui s’offre aujourd’hui à de nouvelles réappropriations avec la diversité croissante des publics et du champ culturel. Les choix d’acquisition, les chemins empruntés ne sont pas ceux d’une voie toute tracée. Au gré de contraintes et d’aléas, de hasards et d’opportunités, ils ménagent des surprises, laissent leur chance à des découvertes, grandes ou moins grandes. L’ensemble réuni par la dernière décennie d’acquisition n’en manifeste pas moins l’esprit d’une collection, qui se déploie sans linéarité stricte, mais dessine assurément une trajectoire.
À petites touches, se joue et se rejoue ici l’identité même du musée et, à chaque fois, se consolident toujours un peu plus sa place singulière dans le paysage muséal français et européen, ainsi que son rôle au cœur de la cité.
A télécharger
Edition
Le document d'aide à la visite
La fabrique des collections. 10 ans d'acquisition au musée des Beaux-Arts de Dijon
72 p. coédition musée des Beaux-Arts de Dijon / Snoeck (prix de vente : 12,50 €)
11 septembre 2020-4 janvier 2021
Textes Catherine Tran-Bourdonneau
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